Quelques pensées dans la revue Question(s) de management

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La revue questions de management propose des regards croisés sur des thèmes d’actualité. Voici quelques-unes de mes contributions. Ces regards croisés sont particulièrement intéressants car ils offrent des perspectives riches pour répondre à un thème percutant en gestion. Ils sont animés par Soufyane Frimousse et Jean-Marie Peretti.

2023/5 (n° 46) « Quelles sont les limites des démarches actuelles en matière de gestion du changement et quelles seraient les nouvelles pratiques ? »

L’appel du leadership spirituel

La gestion du changement s’est opérée dans des contextes hiérarchiques verticaux avec une impulsion du changement depuis le haut négligeant la participation et l’engagement des personnes à tous les niveaux. Avec l’horizontalisation du fonctionnement dans les organisations, on a assisté à une tertiarisation des interventions avec un recours massif aux consultants, en particulier lors des transformations apportées via les systèmes d’information. Rendre acteur les personnes de l’entreprise devient un impératif pour contrer les résistances au changement et explique le succès des approches agiles, de la communication ouverte et continue et des nouvelles pratiques de l’expérience collaborateurs. Cela suppose une fluidité du leadership qui sera moins transformationnel que spirituel ; en effet il s’agit d’inspirer les personnes pour contribuer valablement au changement en reconnaissant leur motivation intrinsèque, en faisant en sorte de contribuer collectivement au sens relatif au changement et en s’assurant du bien-être spirituel de chacun.

2023/1 (n° 42),« De nouvelles relations au travail : expression de pratiques durables et/ou énième mode ? »

L’aspiration à la fraternité

Les moyens informatiques dans les organisations ont contribué à une hyper connexion ; or cette apparente proximité des personnes masque en réalité une fragmentation qui fait prévaloir les intérêts individuels et affaiblit le sentiment de “faire communauté”. Les chercheurs évoquent ainsi les relations toxiques et corrosives dans l’univers du travail. Qu’il s’agisse des organisations ou des nations, les façons récentes de diriger s’appuient pour beaucoup sur le management par la peur et sur une forme d’autocratisme conduisant à la division des personnes, leur autodépréciation et leur soumission. La vogue du déconstructionnisme culturel encourage elle-aussi un individualisme déraciné, méprisant l’histoire, rejetant la richesse spirituelle et humaine transmise au cours des générations comme le remarque le pape François dans son encyclique Fratelli Tutti. Or la fraternité à la fois solution et défi, sera une grande question des années à venir que les responsables RH vont être amenés à porter. En effet elle suppose le rejet de tout abandon servile, la prise de responsabilité grâce à la confiance en soi, elle permet de protéger le monde qui nous entoure en prenant soin de soi comme le montrent les travaux sur le leadership spirituel en hissant la RSE vers un objectif plus ambitieux de responsabilité spirituelle. Et cette citation de Dostoïevski place l’enjeu RH bien haut comme un défi : « La fraternité est une idée admirable, mais elle ne peut être réalisée que par ceux qui ont déjà dépassé le stade de l’égoïsme et de l’individualisme. Si nous voulons vraiment vivre en frères, nous devons apprendre à donner de nous-mêmes, à partager et à aimer les autres comme nous-mêmes. » La fraternité suppose de passer outre cet individualisme et de s’extraire de cette soumission à des formes de pression entraînant une négligence et une apathie morale ainsi que des risques de dépendance excessive. Le monde virtuel pousse souvent à des formes d’isolement et d’agressivité ; au contraire, il est question reregagner le contact avec les réalités concrètes, de cultiver des relations dans le dialogue et la réciprocité pour aboutir peut-être à un consensus. Le dialogue authentique suppose une écoute et une attention profonde de l’autre qui est bien éloignée de la frénésie du monde moderne mais qui peut faire découvrir la puissance du « nous » et du collectif. Cette flamme fraternelle provoque enthousiasme, plénitude et réalisations. Le temps est venu de s’y consacrer pour soigner les rapports humains dégradés en entreprise et dans la société.

2021/7 (n° 37) Les croyances managériales dans le cadre de l’organisation hybride

Le terrain des croyances : un champ de mines ?

Les habitudes managériales reposent sur un système conçu sur la présence physique. Or il existe de nombreux exemples de la facilitation procurée par la présence physique qui va dans le sens des croyances managériales actuelles. Tout d’abord faire confiance, lorsqu’on n’est pas en présence physique, n’est pas quelque chose d’évident car les signes rassurants seront à acquérir d’une autre façon. Ensuite la capacité d’approfondissement des équipiers se révèle souvent au cours des échanges en présence physique car cette forme de transmission des messages, s’accomplit par des interactions qui permettent de faire sens et de grandir en conscience. Enfin le contrôle exercé par le management surtout lorsque celui-ci emprunte un leadership autoritaire se voit dépossédé d’une partie de ses pouvoirs. La privation de la présence physique, oblige les managers à trouver d’autres ressources, d’autres moyens d’obtenir ce que permet cette présence a fortiori lorsqu’elle est continue. Cela sollicite justement une transformation de nos croyances. On sait combien il est difficile de changer de croyances tant elles sont intégrées dans des aspects très inconscients de la personnalité ; la tâche n’est pas aisée, et elle invite à une certaine prudence quant à cette introspection qui pourrait relever du domaine intime et personnel de chacun. Cependant comme toutes les modes managériales, des entreprises innovantes peuvent offrir leur exemple de transformation des croyances et ainsi ouvrir la voie pour que d’autres empruntent ce chemin. Et si les personnes de l’entreprise sont amenées à souscrire aux avantages de l’organisation hybride, il sera plus facile de transformer les croyances. Il reste que le terrain des croyances est un champ de mines pour les leaders autocrates comme nous avons pu le constater à propos de la gestion de la Covid-19 par le gouvernement qui divise les citoyens.

2021/4 (n° 34), Quel style de management dans l’organisation post-Covid ?

Pour un management alternatif et spirituel.

Inspirons-nous de la piètre gestion de la Covid-19 en France par le gouvernement pour en tirer quelques leçons en direction des organisations et des entreprises ; d’évidence il s’agit de proscrire toute forme d’arrogance empêchant l’écoute des signaux sociaux car les solutions intelligentes peuvent aussi venir de personnes en apparence ordinaire, qui sont peu intéressées par la détention d’un pouvoir qui ne soit pas au service des autres. Le choix par exemple de miser sur le vaccin qui s’avérera peu efficace avec l’arrivée des mutations du virus, tout en empêchant les médecins de soigner les malades, apparaît comme une décision absurde et technocrate. Il faut donc s’inspirer de ces dysfonctionnements pour empêcher qu’ils ne se produisent dans le périmètre de l’entreprise. Cela suppose une meilleure prise en compte de la diversité des opinions, de ne pas rejeter automatiquement ce qui va à contre-courant de l’idéologie des dirigeants. L’autre leçon est l’importance des frontières permettant de garantir la sécurité de l’entité dont on a la charge. Si de nombreux efforts ont été faits pour accueillir au sein des entreprises des personnes aux origines de plus diverses, il est important qu’une certaine masse critique sociale tire dans le même sens, et soit bien alignée avec quelques principes définissant l’identité de l’organisation. Encore faut-il s’assurer que les personnes qui travaillent pour une organisation puissent accéder à ce qui constitue la singularité de l’organisation afin de développer un management conscient, enthousiaste et aligné. Il n’y a donc pas un seul style de management universel, même si on peut s’attendre à une accélération de l’horizontalité managériale, d’une distanciation des personnes entre elles, de la nécessité de savoir travailler à distance en gardant le moral. Le vrai défi se trouve dans l’intériorisation d’une hiérarchie qui n’est plus externe et managériale mais interne et spirituelle et qui permet de donner un cap, d’articuler la vision managériale à la stratégie de l’entreprise afin de faire sens authentiquement.

2019/4 (n° 26), Raison d’être et responsabilité sociétale

La raison d’être comme révélation de l’identité

Afin de donner tout l’élan stratégique à l’inscription de la raison d’être dans les statuts de l’entreprise, il est important de se centrer sur l’une des conditions expresses consistant à refléter le plus possible l’identité de l’organisation. Or les théories de l’identité montrent que les perspectives multiples offrent des variétés quant au contour de cette identité. Les fonctionnalistes s’appuyant sur les éléments essentiels et tangibles considèrent qu’il est possible d’accéder à une identité objective, les constructivistes remarquent que l’identité est le produit social des cognitions individuelles et collectives à propos de l’organisation, la psychodynamique lève le voile sur les processus inconscients qui façonnent l’identité collective et toutes les illusions qui en découlent, enfin les approches postmodernes dénoncent les mythes, et les limitations de l’identité en tant que reflet des images du moment présent, capturé par un Storytelling provisoire ou au mieux résultant d’une autopoÏèse Luhmannienne. Il reste pratiquement le recours à des consultants éclairés qui combinent plus ou moins intuitivement ces différentes facettes permettant d’approcher l’identité. Comme le souligne Éric Gautier dans sa thèse soutenu en 2018, une raison d’être ne s’invente pas : elle se révèle, sans toutefois répondre à tous les critères évoqués par Karl Weick : de généralité, de simplicité et d’exactitude. Mais si déjà au cours de processus vécus en groupe, les membres de l’entreprise sont capables de ressentir cette révélation, alors c’est une voie très positive qui permettra d’articuler les actions de tous dans le respect de cette ligne directrice que constitue l’identité.

2020/1 (n° 27),Impact social positif et création de valeur

L’impact social suppose le courage de chacun à développer une vie intérieure.

Si l’entreprise a pour vocation a minima de fournir un retour à l’effort consenti par ses actionnaires, ses efforts tendent à une certaine durabilité et pour cela elle s’appuie sur l’action humaine organisée. Le fait même que des personnes puissent collaborer ensemble au travers d’opérations extrêmement variées et servir des objectifs de survie, de développement, de mission de l’organisation constitue en soi la base d’un impact social. Parce que les gens se côtoient et opèrent ensemble, parce qu’ils se coordonnent dans des projets, parce qu’ils créent ensemble, ils ont de très nombreuses occasions d’influencer et d’être influencés les uns par les autres dans cet ensemble organisationnel. Cet impact peut être néanmoins plus ou moins profond, plus ou moins intense. Lorsque les entreprises se fondent principalement sur les routines et la formalisation comme il a été observé dans les bureaucraties, on peut observer des personnes en quête de conformité qui parfois développent une rigidité compulsive les soustrayant à la réalité. Cela les conduit à se reconnaître par l’apparence, par l’extériorité, elles sont esclaves de la conformité par manquement du développement d’une vie intérieure comme le souligne Soren Kierkegaard. L’impact social sera plus important lorsque les personnes en entreprise comprendront qu’il est question d’être plus vivant, plus alerte et de sortir de leur zone de confort en lâchant prise de la certitude du contrôle, en refusant de vivre dans la peur, la protection, la défensive et en s’ouvrant à des possibilités créatrices. Cet impact est lié à l’évolution d’un leadership qui caractérise moins l’incarnation d’un leader et résulte davantage d’un processus social par lequel une nouvelle coordination, des buts, des objectifs, des comportements et le changement émergent. Or les conditions d’un impact social sont d’autant plus favorables que les personnes disposent d’espaces de liberté et d’improvisation au sein de l’organisation. Cela souligne l’avènement de mutation profonde impliquant la libération des statuts ; les personnes doivent être affranchies de la nécessité de conserver leur statut et ne pas rechercher à être à tout prix créditées des bonnes idées de leurs équipes. Cela suppose également des conversations libres, des communications permettant que l’on puisse se poser des questions et alimenter un dissensus provisoire.

2019/3 (n° 25),Comment développer les pratiques collaboratives et l’intelligence collective

L’intelligence collective : la dimension spirituelle.

Il n’est pas si évident de développer des pratiques collaboratives dans des entreprises marquées par une hiérarchie mettant l’accent sur la verticalité. En effet les pratiques collaboratives s’inscrivent dans une horizontalité des rapports humains et ne vont pas de soi dans une organisation qui distribue le pouvoir de façon classique. Il est donc question d’apprendre ce nouveau mode de collaboration le plus souvent avec l’aide de coachs facilitateurs de ces processus. Quoi qu’il en soit, il reste que ces facilitateurs seront centrés sur l’objectif d’inclusion de personnes parfois très diverses et dont le fonctionnement en équipe pourraient ne rien produire d’efficace du fait des risques de dispersion. L’intelligence collective sera d’autant plus riche qu’elle reposera sur la diversité de ceux qui composent le collectif. Cependant cette richesse a besoin d’être articulée pour servir un objectif. Le grand pouvoir de la spiritualité appliquée à l’intervention d’accompagnement est bien présentée par exemple par Otto Scharmer et sa théorie U qui illustre la progression des équipes du moins impliquant au plus impliquant en commençant par traiter les questions relatives au « quoi » puis au « comment » et enfin au « pourquoi ». Il paraît difficile de réussir l’harmonisation sans cette phase qui touche à l’intériorité de chaque individu : tout se passe comme si la verticalisation autrefois matérialisée par la hiérarchie organisationnelle se transmute en une verticalisation découverte de l’intérieur par chaque personne qui compose l’équipe. C’est la pression à l’intégration autrefois qui était le fait de la hiérarchie désormais il est question de faire appel à un cheminement guidé par un coach qui touche à la spiritualité comme le montre la thèse d’Éric Gautier.

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