Questions philosophiques sur le leadership

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Jean-Luc OBIN a soutenu sa thèse sur le leadership et les questions philosophiques le 20 janvier 2017 à l’université de Créteil Paris Est.

L’ensemble des travaux scientifiques sur le leadership constitue une œuvre aussi importante pour l’humanité que l’ont été La critique de la raison pure de KANT ou la révolution freudienne, par exemple. Cette œuvre collective permet de comprendre enfin le fonctionnement du pouvoir et les pathologies du pouvoir dont l’humanité souffre depuis les origines. Cependant, l’émergence d’une culture et d’une science autonomes du leadership, à laquelle on a assisté depuis cinquante ans, ne suffit pas. Au 21ème siècle, davantage de soutien philosophique serait bienvenu pour le leader et le leadership dans l’entreprise. Le leadership innove et invente des solutions managériales chaque jour souvent sans le support philosophique qui l’aiderait à clarifier les enjeux et à progresser.

Pour la thèse, le leadership est la combinaison de pouvoir et d’autorité, l’un pouvant aller sans l’autre, mais la présence des deux étant nécessaire pour parler de leadership. Le pouvoir est au centre de la personne humaine depuis toujours et nous sommes tous hypersensibles au leadership, à commencer par la manière dont nous sommes ou avons été dirigés. Au sein de la vaste mutation anthropologique que nous vivons, le leadership est le chainon central entre l’individualisation des personnes et celle des organisations. Les exigences de la personne (dans son individualisation) et celles de l’entreprise (dans son développement) ne convergent pas : exigence de respect et d’humanisation d’une part, exigence d’efficacité de l’autre. Seul le leadership peut faire converger ces deux tendances.

Face à ces besoins, quels sont les outils pour penser ? Les théories sur l’entreprise d’une part, sur le leadership de l’autre, sont riches mais souvent difficiles à rapprocher entre ces deux catégories. Les théories et les concepts pour étudier le leadership sont pétris d’une vision libératrice des personnes, qui reflète largement, semble-t-il, les choix de la communauté académique (droite et gauche confondues). En outre, les ouvrages sur le leadership sont le plus souvent influencés par des doctrines ou des idéologies non scientifiques.

La complexité – et l’importance pour l’humanité – des questions résolues au quotidien par les dirigeants et les autres acteurs des organisations soulèvent des questions profondes, notamment philosophiques. La thèse en présente quelques unes. Les entreprises développent ou influencent une proportion croissante des connaissances de l’humanité. Dans les décisions des dirigeants, le progrès de la connaissance et l’action sont plus intimement mêlées que jamais. Comment la connaissance de l’humanité est-elle pensée ?

Les dirigeants jonglent quotidiennement avec des rationalités différentes. Quelle (s) rationalité (s) supérieure (s) les anime ? Ils jouent finement entre pouvoir et autorité selon leurs interlocuteurs et les problèmes à traiter. Or, le leadership privé n’a guère retenu l’attention, à la différence du pouvoir public, qui a toujours servi de modèle à la pensée. Il est peut-être temps d’inverser la relation. La responsabilité est devenue un terrain de combat quotidien : pour se décharger de responsabilités, pour en choisir et en prendre d’autres, pour empêcher d’autres personnes de vous « en coller sur le dos », etc. La gestion proactive des risques est à repenser en termes d’objectifs supérieurs poursuivis par chacun.

La complexité – et l’importance pour l’humanité – de ces questions (et de quelques autres) appellent un travail pour développer une culture du leadership, tant au niveau de la personne que pour en faire une culture partagée au niveau de l’organisation, afin que le leadership devienne encore davantage le cœur de la culture d’entreprise. Un leadership à l’européenne se met en place dans la réalité quotidienne, sans guère être réfléchi par les penseurs.

Au 21ème siècle, il apparait que le leadership est un élément de culture collective, qui peut être d’autant plus efficace qu’il participe d’une culture adulte, explicitée, proposée, honnête, ouverte aux évolutions. Une culture partagée de leadership peut être source d’une dynamique d’intelligence collective, d’une dynamique de valeurs mises en œuvre, d’une dynamique de création de vie grandissant l’individu et le collectif. Une culture de leadership basée sur une haute exigence éthique, sur une spiritualité explicite et assumée, a sans doute le plus de chance de devenir effectivement une culture partagée et de permettre à chacun de la nourrir au mieux et de s’en augmenter le plus.

La conclusion souligne le besoin de soutien et de cadre philosophiques pour diriger au quotidien, d’autant plus que l’innovation managériale est devenue une constituante majeure de l’innovation globale.

 

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